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Musée du Louvre

Lorenzo DI CREDI (et Léonard de Vinci) - L’Annonciation et Saint Jean Baptiste partant dans le désert

1475-79, Huile sur panneau, 16,2 x 60,7 cm et 16,4 x 33,5 cm


Ces deux tableaux sont deux peintures sur bois attribuées au peintre Lorenzo di Credi, opérant alors dans l’atelier de l’artiste florentin Verrocchio.

Selon les hypothèses récentes formulées par Vincent Delieuvin, et explicitées dans les rapports du C2RMF de 2009, 2018 et 2022, les deux panneaux constitueraient, avec le Saint Donat et le collecteur d’impôts du musée d’art de Worcester, la prédelle du retable de La Vierge à l’Enfant entre saint Donat et saint Jean Baptiste du duomo de Pistoia, où réside toujours le panneau central, commandé à Verrocchio.

Les panneaux sont composés d’une seule planche de peuplier. Ils sont préparés de la même façon avec une couche assez épaisse de « gesso ». Sur les images en réflectographie infrarouge on remarque que les panneaux présentent des grains noirs épars sur la surface de façon aléatoire, qui semblent présents également sur la réflectographie du panneau de Worcester.

Plusieurs techniques de mise en place de la composition ont été employées sur les deux œuvres :

  • Report d’un carton au moyen d’un poncif
  • Tracé au pinceau avec un médium fluide
  • Dessin des figures à la plume et/ou au pinceau, avec un lavis ou une peinture à l’huile très diluée
  • Incisions des lignes d’architecture retenues pour la composition finale

Le dessin sous-jacent est de manière générale très abondant. De nombreux éléments sont modifiés en cours de composition, non seulement dans la mise en place de l’architecture mais aussi dans certains éléments des personnages, comme les doigts de saint Jean Baptiste et d’autres détails.

La transparence accrue de la peinture laissant apparaitre le dessin préparatoire en certains endroits, la présence de craquelures prématurées dans le paysage, ainsi que les effets de matière fondue sont autant de caractéristiques d’une technique à l’huile.

La matière picturale est à la fois travaillée en glacis légers et transparents, et en empâtements plutôt francs. Les renflements de peinture sont perceptibles au niveau des vêtements, des fleurs, et de la limite des montagnes par exemple.

L’état de présentation des deux panneaux est mauvais. Outre les altérations des pigments qui ont dégradé l’appréciation des couleurs et des formes, l’ajout en surface de matériaux non-originaux crée une disharmonie visuelle et une fragmentation de l’image.

  • Des résidus très oxydés de résine ou d’huile sont présents dans les anfractuosités de la peinture
  • Les zones lacunaires ont été mastiquées et retouchées, de manière débordante souvent
  • D’autres repeints appliqués plus en jutage semblent présents de manière éparse
  • Un vernis de restauration épais et oxydé est présent sur l’ensemble de la surface. Sa fluorescence diffère sur les deux panneaux.

La restauration de la couche picturale a pour objectif principal de rendre la lisibilité des formes, du graphisme et des couleurs d’origine, et ce en faisant en sorte de parvenir à une homogénéité esthétique entre les deux panneaux, qui font partie d’un ensemble.

Un dépoussiérage minutieux a été effectué sur l’ensemble du panneau (face et revers). Un décrassage a permis d’enlever les particules de crasse adhérentes à la surface des œuvres et d’avoir un meilleur accès au vernis et aux repeints. Des tests de nettoyage ont ensuite été effectués dans des zones stables, à cheval sur des plages de couleur différentes et dans des endroits représentatifs de l’ensemble de la peinture.

Les tests ont ensuite été étendus à l’ensemble des deux compositions. Ce nettoyage a permis de retrouver les couleurs d’origine et la finesse de la couche picturale. Une fois les résines oxydées retirées, il a été constaté que les couleurs qui semblaient altérées comme le bleu du manteau de la Vierge et même le vert de cuivre bruni étaient en réalité relativement bien conservés, du moins en profondeur.

Restaient les exsudats bruns surplombant les plages peintes au vert au cuivre. Suite à des tests de nettoyage très concluants ciblés sur ces exsudats, il a été constaté que le pigment vert n’était pas altéré dans toute son épaisseur, rendant possible une intervention de dégagement superficiel. À la suite des concertations avec le comité scientifique, il a donc été décidé d’entreprendre ce nettoyage.

Un film de vernis intermédiaire a été posé sur les deux panneaux après le nettoyage pour protéger la couche colorée et recevoir la retouche. Les lacunes ont ensuite été mastiquées avec un matériau de bouchage vinylique blanc qui a été texturé pour imiter l’aspect de surface avoisinant les lacunes.

L’intégrité visuelle de l’œuvre a été restituée en réintégrant de façon illusionniste. Les lacunes et usures ont été restituées au ton avec des repiquages très précis en glacis proche de la tonalité locale.

Enfin un dernier vernis de protection, appliqué au spalter de manière fine et uniforme, a unifié l’aspect de la peinture en lui conférant une surface satinée, qui met en valeur la finesse et l’éclat de la matière originelle.


Durée des travaux : 6 mois
Montant du marché : 6 080€ 
MaÎtrise d’ouvrage : Musée du Louvre
MaÎtrise d’œuvre : Vincent Delieuvin, conservateur en chef département des peintures